La fondation de Strasbourg
Le chroniqueur Jacob de Königshoven raconte ceci: Le roi Ninus d'Assyrie, fils de Belus, fonda Ninive. Il répudia sa première femme pour épouser Sémiramis. Or, de sa première femme, un fils lui était né, qui s'appelait Trebeta; et la reine Sémiramis conçut un coupable amour pour son beau-fils Trebeta.
Il a été dit que cette reine farouche et guerrière, qui avait tant de fois mené les troupes au combat, pour asservir maintes peuplades, fit assassiner son époux Ninus, dans l'espoir d'épouser le jeune Trebeta. Mais ce prince, ne voulant pas trahir la mémoire de son père, s'enfuit du royaume d'Assyrie avec quelques compagnons.
Il s'embarqua sur une nef, avec ses amis; durant des mois et des mois, il subit la fureur des vents et des mers; il vogua jusqu'aux régions glacées où un pâle soleil regarde le monde sans jamais disparaître; il erra, dans l'espoir de trouver un jour une terre propice où il pourrait vivre avec ceux qui lui étaient restés fidèles. Et il arriva qu'il remonta le cours d'un large fleuve qui était le Rhin. Et il parvint aux terres qu'arrose la Moselle, terres alors inhabitées. Là, il s'arrêta et fonda une ville qui fut Trèves (de son nom de Trebeta).
Cependant, Semiramis, désirant asservir Trebeta à ses impérieuses volontés, s'embarqua elle aussi sur une nef, qui était suivie de nombreux vaisseaux portant ses armées. Elle aussi, elle erra sur les mers, voulant assouvir son coupable amour, et elle parvint aux bouches du Rhin, qu'elle remonta. Elle fut devant Trèves, et à peine vit-elle Trebeta, qu'elle se répandit tour à tour en supplications ardentes et en invectives forcenées. Elle le menaça de le faire passer au fil de l'épée. Mais ce furent les jours de Sémiramis qui prirent fin, et non ceux de Trebeta, car le jeune homme, obéissant à une juste colère, transperça le coeur de celle qui avait fait tuer son père Ninus.
Les hommes d'armes qui suivaient Sémiramis, loin de vouloir venger leur reine, se soumirent humblement à Trebeta. Ils cultivèrent la terre avec beaucoup de succès et formèrent une agglomération robuste et saine sous le sceptre de Trebeta, dont l'esprit de justice était connu au loin et jusqu'au delà des mers. Et beaucoup d'hommes arrivaient pour se joindre à cette agglomération riche et déjà nombreuse.
Il y eut bientôt tant de monde, qu'il fallut songer à bâtir d'autres villes. C'est ainsi que surgirent de terre les villes qui s'appelèrent, dans la suite, Bâle, Mayence, Cologne, Worms, et enfin Strasbourg.
Texte issu du site http://juillot.home.cern.ch