Le lac souterrain de la cathédrale
Depuis longtemps le bruit courait qu'il existait sous la cathédrale un lac immense, mais personne ne voulait y croire. Ce lac souterrain, disait-on, serait abrité par une voûte immense sur laquelle reposerait l'ensemble de la construction.
Il fallut attendre la découverte d'un bien étrange document pour relancer toute l'affaire. Ce texte donnait des explications troublantes sur l'existence d'un passage permettant d'arriver jusque sur les berges de ce lac. L'entrée se trouvait dans une maison située en face de la cathédrale soit dans l'ancienne pharmacie du Cerf (aujourd'hui la boutique culture) ou la maison juste à côté (photo ci-dessous), dans l'histoire on entend parler de ces deux bâtiments, on ne sait pas exactement aujourd'hui dans quel bâtiment se trouve l'entrée.
Il fallait descendre dans la cave de cette maison chercher une lourde porte fermée par des serrures. Tout cela était si troublant qu'un groupe de bourgeois décida d'aller vérifier les dires du document.
La poignée de ces hommes courageux trouva bien la porte au fond de la cave. Avec beaucoup de peine, grâce à l'adresse d'un serrurier, il fut possible d'ouvrir le gros battant. Un vent violent sortit par l'ouverture et toutes les lanternes furent soufflées. Ils furent plongés dans l'obscurité. A tâtons, munis de longues perches, quelques-uns se mirent à fourrager dans ce goulet ouvert et obscur pour tenter de déceler un escalier, un puits. Mais très vite, les plus téméraires renoncèrent car du trou obscur montaient d'étranges bruits, des halètements, des cris étouffés, des plaintes humaines. On remonta vite à l'air libre.
La porte n'avait pas été refermée à clef et à quelques temps de là, un autre groupe décida de tenter l'aventure. Depuis quelques jours une pluie violente s'abattait sur Strasbourg et quand les téméraires explorateurs ouvrirent à nouveau la porte, ils virent surgir des dizaines de serpents énormes, des lézards hideux et des crapauds qui semblaient fuir l'inondation. Il fallut prendre immédiatement des mesures de sauvegarde pour faire face à cette invasion monstrueuse.
La porte fut murée et on plaça devant une palissade pour bien la cacher. Un maçon fut même mandaté pour surveiller la cave et y entreprendre tout travail qui paraîtrait nécessaire en vue d'assurer la sécurité des lieux.
L'histoire était bien connue de tous les Strasbourgeois. Deux compagnons, sans doute plus courageux que d'autres, décidèrent de reprendre l'exploration car ils étaient persuadés que ce couloir conduisait à une chambre où reposait, depuis la nuit des temps, un trésor fabuleux. Sans prévenir qui que ce soit, ils pénétrèrent dans la cave, arrachèrent palissade et mur, pour finalement enfoncer la porte. Par la brèche ouverte, ils se glissèrent dans le couloir. Leurs lampes tempête leur permirent de progresser rapidement.
Ils arrivèrent finalement au bord d'un vaste lac abrité sous une immense voûte. La légende avait donc dit la vérité. Une étrange barque glissait silencieusement sur l'eau, conduites par des êtres qui ressemblaient plus à des fantômes qu'à des humains ! Ils émanaient d'eux une lueur blafarde, à faire peur. Plusieurs canaux débouchaient dans le lac et l'un d'eux se dirigeait jusqu'au puits des Pêcheurs qui, à l'époque de cette aventure existait encore à la hauteur de l'actuelle place Gutenberg.
Soudain, la barque se dirigea vers les deux intrus. Les étranges marins se mirent à émettre un sifflement si strident que nos lascars crurent leur dernière heure venue. Ils remontèrent à toute vitesse le passage, refermèrent la brèche et longtemps ne parlèrent de leur aventure à personne. Ce n'est que sur son lit de mort que l'un d'eux confia son secret à des parents grâce auxquels le mystère du lac souterrain sous la cathédrale nous est parvenu.
Les gens du peuple assimilaient ce lac d'épouvante à la représentation de l'enfer. Il paraît qu'en parcourant à minuit la place du Château et les environs directs de la Cathédrale, on peut toujours entendre des rumeurs inquiétantes, des bruits de vagues et de rames, venus des profondeurs.
Ce lac sous la cathédrale est aussi connu pour la chute d'un soldat français au fond du gouffre.
Citons M.-Cl. Groshens et M.-N. Denis, dans "Récits et Contes populaires d'Alsace" : «Ce soldat se serait fait fort devant la population terrifiée de son projet téméraire, d'y descendre et de rejoindre le souterrain. La légende relate d'abord ses éclats de rire, son enthousiasme: "Je me promène en barque .. je vois des choses que personne n'a jamais vues..."»
Puis vinrent des plaintes et des appels à l'aide, audibles presqu'en même temps, aux différents coins de la cour du Château (Fronhof ou coin des corvées), comme si le soldat était pris dans des remous extrêmement rapides. Tous les secours furent vains.
Le soir du deuxième jour, les clercs et gardiens de la cathédrale entendirent ces mots: «Bouchez le puits, au nom du ciel, pour qu'aucun homme ne fasse ce que j'ai fait». Un prêtre récita les prières devant l'ouverture du puits que l'on décida de boucher le plus vite possible. C'est la voix de ce jeune imprudent qu'on entend venir du souterrain, quand on passe la nuit près de la cathédrale.
Dans la réalité, la cathédrale a été bâtie sur d'immenses pilotis en chêne plantés dans la nappe phréatique sur ordre de l'évèque Wernher qui voulait que la cathédrale soit construite à l'endroit précis ou les premiers chrétiens avaient priés. Ces fondations uniques au monde ont débuté en 1015 pour s'achever en 1028 ! Lors des travaux de régularisation du Rhin par l'ingénieur badois Tula au XIXe siècle, le niveau de la nappe phréatique baissa. Les pilotis se mirent à pourrir et la tour Nord commença à s'affaisser. En 1906, il fallut la soulever pour injecter du béton sous ses fondations.
Texte issu des sites http://www.bacm.creditmutuel.fr et http://juillot.home.cern.ch
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1761.
"La Cathédrale de Strasbourg": « Das Münster als Begränistette und seine Grabinschriften » de Jos. B. Clauss en 1905,